Polyhandicap : le laissé-pour-compte du handicap ?

Résumé : Qui se préoccupe du polyhandicap ? Peu de moyens, pas de plan, pas de visibilité médiatique et la menace de fermeture de places. Monique Rongières, présidente du Groupe Polyhandicap France, adresse son SOS au gouvernement.

Par Monique Rongières, présidente du GPF, le 

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Handicap.fr : Vous êtes inquiète, voire en colère. Pour quelle raison ?
Monique Rongières, présidente du GPF : Parce que mon leitmotiv, depuis 40 ans, c’est : « Arrêtez de laisser les polyhandicapés au bord du chemin ». Nous avons besoin de sensibiliser au polyhandicap pour qu’il soit enfin reconnu, y compris par nos décideurs.

H.fr : Combien de personnes sont concernées en France ?
MR : 880 cas nouveaux par an et 1,28 naissances sur 1 000. Le ministère de la Santé annonce 32 000 personnes au total, chiffre que nous multiplierions bien par deux, voire trois.

H.fr : Ce n’est pas forcément un handicap de naissance ; il peut aussi être acquis ?
MR : Il peut évidemment survenir au cours de la vie et toucher des adultes. Il y a, notamment, des maladies rares qui conduisent fréquemment au polyhandicap. Ce chiffre concerne donc à la fois les enfants et adultes.

H.fr : Lorsqu’Emmanuel Macron, lors de sa campagne, annonce qu’il souhaite faire du handicap l’une de ses priorités, êtes-vous rassurée ?
MR : Disons que j’espère, avec une grande vigilance. À l’époque, monsieur Macron avait d’ailleurs déclaré sur votre site (article du 21 avril 2017 en lien ci-dessous) : « J’aurai la plus grande attention pour nos compatriotes polyhandicapés qui ont besoin de réponses précises et adaptées à la complexité de leur situation ».

H.fr : Que s’est-il passé depuis un an ? Avez-vous été reçue par Sophie Cluzel ?
MR : Au nom du Groupe polyhandicap France, nous lui avons envoyé de nombreux courriers, restés sans réponse ! Nous avons été reçus une fois par sa directrice de cabinet. Alors les conclusions que je tire de cela c’est qu’on nous écoute mais qu’on ne nous entend pas.

H.fr : Y-a-t-il eu des promesses qui n’ont pas été tenues ?
MR : La précédente secrétaire d’État au handicap, Ségolène Neuville, avait mis en place un « volet » polyhandicap mais jamais de « plan ». Il y a eu trois Copil (comité de pilotage) en 2016, avant adoption par le CIH (comité interministériel du handicap). Le dernier Copil s’est achevé en avril 2017. En décembre de la même année, un comité de pilotage, composé du GPF et d’autres associations, est organisé par le nouveau gouvernement. Un seul. Point final !

H.fr : C’est à dire ?
MR : Il ne s’est réuni qu’une seule fois au ministère. Et aucune autre date n’est programmée. À la suite de ce volet, nous avons formé le « Collectif polyhandicap » avec d’autres associations comme le Cesap, gestionnaire très spécialisé polyhandicap, APF France handicap, la Croix-Rouge.… Le GPF en est le porte-parole car nous ne gérons pas d’établissements et, de ce fait, sommes un petit peu plus « indépendants ».

H.fr : Pourtant les associations que vous citez ont du poids. N’arrivent-elles donc pas à se faire entendre sur ce sujet ?
MR : Elles ont du poids mais sont plus généralistes.

H.fr : À ce propos, quand APF France handicap déclare qu’elle veut s’ouvrir à d’autres handicaps (article en lien ci-dessous), et notamment au polyhandicap, qu’en pensez-vous ?
MR : Je travaille beaucoup avec eux mais ils n’agissent pas toujours dans la même lignée que nous car ils restent généralistes. Mais ils se donnent à fond.

H.fr : Vous ne le voyez donc pas d’un mauvais œil ?
MR : Non, pas du tout.

H.fr : Si l’on compare avec l’autisme -on parle de 600 000 personnes en France-, avez-vous le sentiment que la population de personnes polyhandicapées a fatalement moins d’impact ?
MR : C’est évident. C’est aussi une question d’image. Le grand public a du mal à regarder. Les politiques sont dans la même veine ; il y a des choses qu’on n’a pas envie de voir ni de connaître. Il faut changer le regard de la société.

H.fr : De votre côté, menez-vous des actions pour tenter de les sensibiliser ?
MR : En 2015, une sénatrice avait proposé qu’une journée du polyhandicap soit instituée en France. Elle n’a jamais abouti. Depuis, nous avons envoyé un grand nombre de lettres ouvertes où nous expliquons que le polyhandicap est méconnu et négligé. Au Sénat, nous avons été reçus par quatre sénateurs ; l’un d’eux nous a expliqué qu’il était concerné donc nous avons été très écoutés. L’implication vient souvent du fait que la personne est personnellement touchée.