Handicap : « Ne tombons pas dans une approche parfois caricaturale du débat en stigmatisant la vie en établissement »

Alors que l’offre d’accompagnement des personnes en situation de handicap est en cours de transformation, les responsables du réseau Paralysie Cérébrale France, Jacky Vagnoni et Mamady Kaba, rappellent dans une tribune au « Monde », l’importance des établissements médico-sociaux pour certains handicaps

 

 

Le modèle français de l’accompagnement des personnes en situation de handicap (établissements et services médico-sociaux) est en transformation. Ce processus doit associer étroitement les personnes afin d’être en mesure de répondre au plus près de leurs besoins et de leurs aspirations. Certains interrogent cette transformation à l’aune de la ratification, par la France, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Cette convention met notamment l’accent, en matière d’autonomie et d’inclusion dans la société, sur les libertés inconditionnelles de toute personne en situation de handicap : liberté de choisir son lieu de vie, liberté de choisir son mode d’accompagnement, … Cette convention est souvent opposée, en France, à un modèle jugé comme un frein à l’émancipation de la personne.

Il y a indiscutablement des progrès à réaliser pour fluidifier les parcours de vie des personnes en situation de handicap. Faut-il pour autant accabler ce modèle de tous les maux ? Paralysie Cérébrale France refuse de tomber dans une approche parfois caricaturale du débat. La vie en milieu ordinaire doit être privilégiée. C’est un fait. Qui pourrait s’y opposer ?

Une pluralité de solutions pour les handicaps les plus complexes

Cela doit, pour autant, nous conduire à poser un constat lucide sur les problèmes quotidiens vécus par les personnes handicapées à domicile : accessibilité dans toutes ses composantes, pluralité et disponibilité des services libéraux, politiques publiques de l’autonomie et de la compensation incomplètes, etc. Que dire enfin des difficultés de la filière dite « domiciliaire » !

Il y a également la vie en milieu adapté qui représente une pluralité de solutions pour les handicaps les plus complexes. Paralysie Cérébrale France fait le constat qu’un vent parfois démagogique s’installe et progresse. On stigmatise la vie en établissement, on généralise sans aucune forme de nuance.

Ces établissements ont été créés, dans les années 1960, à l’initiative notamment de familles alors qu’il n’existait aucune alternative : les personnes vivaient, toute leur vie, au domicile de leurs parents, à l’hôpital, voire en hôpital psychiatrique. Certaines étaient même abandonnées. Personne ne conteste que ces établissements médico-sociaux doivent évoluer.

Des espaces d’innovation

Ils l’ont toujours fait, ils continueront à le faire. Fidèle à sa visée d’inclusion, le réseau de Paralysie Cérébrale France engage ses établissements et services dans des dynamiques de changement pour être à la fois plus ouverts, plus efficients et mieux répondre à l’évolution des attentes des personnes. Certains handicaps nécessitent l’appui d’équipes pluridisciplinaires qu’il est d’ailleurs souvent difficile de mobiliser à domicile.

 

Les établissements ne sont pas seulement des murs, ce sont également des lieux de vie au sein desquels les personnes ont une vie sociale et culturelle, des centres de ressources, d’expertise et de répit pour les familles. Ils sont bien souvent également des espaces d’innovation. Nier cette réalité ne conduira pas à offrir de meilleures conditions de vie à nos compatriotes qui ont le plus besoin de soutien.

Des établissements reconfigurés, transformés, doivent et vont perdurer pour offrir des accompagnements adaptés. Ceux-ci seront d’ailleurs des atouts dans la structuration d’une offre domiciliaire de qualité en jouant un rôle de plate-forme territoriale de coordination à partir de laquelle des services mobiles pourront être intégrés.

Ce débat doit être mené dans la sérénité. Rien ne serait pire que de l’instrumentaliser. Cette transformation du modèle demande un puissant mouvement de réinvestissement moral, éthique, professionnel et financier. Aux côtés d’autres mouvements associatifs, la fédération Paralysie Cérébrale France y prend toute sa place.

Paralysie Cérébrale France est un réseau de 210 établissements et services médico-sociaux et de nombreux habitats inclusifs.